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  • Pourquoi les dieux grecs ne devraient-ils plus nous concerner ? (Walter F. Otto)

    athena pensive

    "Nous admirons les grandes oeuvres des Grecs, leur architecture, leur sculpture, leur poésie, leur philosophie et leur science. Nous avons conscience qu'ils sont les fondateurs de l'esprit européen, qui depuis tant de générations s'est toujours à nouveau tourné vers eux, en des renaissances plus ou moins marquantes. Nous reconnaissons qu'ils ont, presque en tout, à leur manière, créé l'incomparable, que ce qu'ils ont créé vaut de façon exemplaire pour toutes les époques (...)

    Nous lisons Homère comme s'il avait écrit pour nous, nous restons saisis devant les effigies des dieux grecs et les édifices des temples, nous suivons bouleversés le violent advenir de la tragédie grecque.

    Mais les dieux eux-mêmes, de l'être desquels témoigne statues et sanctuaires, les dieux dont l'esprit déploie son règne dans toute la poésie d'Homère, les dieux que célébrent les chants de Pindare, et qui dans les tragédies d'Eschyle et de Sophocle donnent à l'existence humaine sa mesure et son but, devraient-ils vraiment ne plus nous concerner ?

    Ne devons-nous pas dire que les oeuvres impérissables ne seraient jamais, sans les dieux, devenues ce qu'elles sont, et justement ces dieux grecs qui semblent ne plus nous concerner ?"

    Walter Otto, Théophania, Introduction, traduction de J. Lauxerois et C. Roels)

  • La source (Ingres et Théodore de Banville)

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     Jeune, oh ! si jeune avec sa blancheur enfantine,
    Debout contre le roc, la Naïade argentine
    Rit. Elle est nue. Encore au bleu matin des jours,
    La céleste ignorance éclaire les contours
    De son corps où circule un sang fait d’ambroisie.
    Svelte et suave, tel près d’un fleuve d’Asie
    Naît un lys ; le désert voit tout ce corps lacté,
    Sans tache et déjà fier de sa virginité,
    Car sur le sein de neige à peine éclos se pose
    Le reflet indécis de l’églantine rose.
    Ô corps de vierge enfant ! temple idéal, dont rien
    Ne trouble en ses accords le rhythme aérien !
    L’atmosphère s’éclaire autour du jeune torse
    De la Naïade, et, comme un Dieu sous une écorce,
    Tandis que sa poitrine et son ventre poli
    Reflètent un rayon par la vie embelli,
    Une âme se trahit sous cette chair divine.
    La prunelle, où l’abîme étoilé se devine,
    Prend des lueurs de ciel et de myosotis ;
    Ses cheveux vaporeux que baisera Thétis
    Étonnent le zéphyr ailé par leur finesse ;
    Elle est rêve, candeur, innocence, jeunesse ;
    Sa bouche, fleur encor, laisse voir en s’ouvrant
    Des perles ; son oreille a l’éclat transparent
    Et les tendres couleurs des coquilles marines,
    Et la lumière teint de rose ses narines.
    La nature s’éprend de ce matin vermeil
    De la vie, aux clartés d’aurore. Le soleil
    Du printemps, qui de loin dans sa grotte l’admire,
    Met un éclair de nacre en son vague sourire.
    La vierge, la Naïade argentine est debout
    Contre le roc, pensive, amoureuse de tout,
    Et son bras droit soulève au-dessus de sa tête
    L’urne d’argile, chère au luth d’or du poète,
    Qui dans ses vers, où gronde un bruit mélodieux,
    Décrit fidèlement les attributs des Dieux.
    Son corps éthéréen se déroule avec grâce
    Courbé sur une hanche, et brille dans l’espace,
    Léger comme un oiseau qui va prendre son vol.
    Seul, un de ses pieds blancs pose en plein sur le sol.
    Le vase dont ses doigts ont dû pétrir l’ébauche
    S’appuie à son épaule, ô charme ! et sa main gauche
    Supporte le goulot, d’où tombe un flot d’argent.
    Les perles en fusée et le cristal changeant
    Ruissellent, et déjà leur écume s’efface
    Dans l’ombre du bassin luisant, dont la surface
    Répète dans son clair miroir de flots tremblants
    Les jambes de l’enfant naïve et ses pieds blancs.
    Oh ! parmi les lotos ouverts et les narcisses,
    Où vont tes pieds glacés, Source aux fraîches délices ?

     

    (…)

     

  • Faut-il admirer Sparte ?

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    Depuis 25 siècles, de beaux esprits admirent la plus militariste et anti-intellectualiste des cités grecques, j’ai nommé Sparte. Tout d’abord, les grands philosophes athéniens, toujours prêts à se faire laquais des tyrans et à vomir sur la démocratie et l’isonomie de leur cité. Eux qui ne cessaient de pourfendre la poésie, les mythes, l’art oratoire, bref tout ce qui faisait la Grèce antique, étaient ravis de voir une cité partageant leur haine de l’art. Une cité astreinte à des lois absurdes, qui ne vivait que pour la guerre. Les « laconisants » étaient du reste légions à Athènes, chez les jeunes cons et les vieux fous. L’herbe est toujours plus verte ailleurs.

    De nos jours, les féministes se pâment devant la condition féminine à Sparte, bien meilleure que chez ces talibans d’Athéniens ! Gageons que si l’on pouvait remonter dans le temps, faire de l’athlétisme à poil ne les botterait pas trop, et qu’au bout de 8 jours, elles chialeraient pour qu’on les emmène à Athènes ou Corinthe. Gageons aussi que si elles connaissaient un peu l’histoire, elles préféreraient de loin la condition de la femme à l’époque hellénistique ou romaine, plutôt que de se faire une fixette sur Sparte; mais bon, on ne peut forcer personne à se faire une culture.

    Il y a aussi les ados qui fantasment d’exploits guerriers, et vouent une admiration sans bornes pour Sparte. Ce sont encore les moins bêtes des « spartophiles », car si Sparte est admirable en quelque chose, c’est bien dans ce domaine, quoiqu’elle soit loin d’être la machine de guerre la plus redoutable de l’antiquité (à coté de l’empire Assyrien, Perse, Romain, par exemple, Sparte n’était pas grand-chose, quoiqu’elle ait produit certains des meilleurs généraux antiques, et des soldats de grande classe).

    Sparte a enfin un certain succès dans les milieux nationalistes. Des patriotes de bonne foi croient y voir un exemple de probité, d’amour de la patrie, etc. Raté, la Sparte de l’époque classique a eu un comportement tout sauf irréprochable à l’époque de la menace perse. Lors de la première guerre médique, elle a laissé Athènes seule contre l’envahisseur. Elle a ensuite abandonné les cités grecques d’Ionie à leur sort. C’est en grande partie grâce à l’or perse que Sparte a gagné la guerre du Péloponnèse. Et l’on pourrait multiplier les exemples, qui prouvent que Sparte était tout, sauf un modèle de patriotisme grec et de résistance à l’envahisseur.

    En bref, il existe bien un mythe spartiate, qui, depuis 2500 ans, pousse toutes sortes d’esprits tordus, faibles ou mal informés, à admirer la moins admirable des cités grecques. Un état bananier et militariste détestable, qui n’a légué aucune grande figure intellectuelle ou artistique aux siècles futurs. Si toute la Grèce avait été à l’image de Sparte, il n’en resterait rien aujourd’hui.

    Pour aller plus loin, je conseille la lecture de l’article « Luxe » du dictionnaire philosophique de Voltaire, qui règle leur compte aux spartophiles (à commencer par ce crétin de Rousseau).

     

  • La baigneuse assise de Bouguereau (1884)

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    La baigneuse assise  de  Bouguereau est à mes yeux l’un des plus beaux nus de la peinture. Techniquement irréprochable (le reflet du pied dans l’eau, très réussi, est d’ailleurs d’une virtuosité ostentatoire), le tableau possède une harmonie des couleurs remarquable, le bleu vif du tissu se mêlant parfaitement avec la chevelure brune, la peau et le sable.

    Le regard de la femme est aussi particulièrement profond, humain. Cette femme semble préoccupée. A quoi pense-t-elle au juste ? On ne peut le savoir. Mais, quelle que soit la réflexion ou la rêverie qui l’occupe, on sent derrière ces yeux une pensée, une vraie personnalité.

    Qui est-elle ?  Elle n’est en tout cas vêtue que d’un beau tissu bleu, dont elle a couvert son dos. On ne voit pas à ses cotés de chaussures, ce qui laisse penser qu’elle va pieds nus. Est-ce une femme venue se baigner, ou une déité marine ?

    Ce tableau ne se contente pas d’être magnifique et mystérieux, il véhicule également un canon féminin dont notre époque devrait prendre de la graine. On est ici très loin de la maigreur cadavérique des mannequins, tout autant que de l’obésité hideuse des soit disant « rondes ». Cette fille ne fait ni 40 kilos, ni 100. Elle n’a ni un ventre plat Weight Watcher, ni un cul McDo. (deux conneries venues d’outre atlantique tiens). Elle respire la vie, la santé.

    Tout le génie du peintre consiste d’ailleurs à sublimer cette beauté après tout relativement ordinaire, à mettre en lumière sa noblesse, sa particularité, son éclat. On est à l’opposé de ces canons culpabilisants, où la beauté féminine est l’exception. Ici, elle se dévoile chez un modèle, une fille du peuple, gâtée sans doute, mais pas exceptionnelle.

    Cette baigneuse est aussi pleine de noblesse. Sa pose est pleine de distinction, sans sophistication. Elle est sensuelle sans être triviale. On est loin de la grossièreté des putains de Manet, avec leur tronche de cake, qui semblent dire « C’est deux cent balles, coco ! ». Loin aussi des mortes vivantes d’Avignon, ou du néant de l’art abstrait.

    En deux mots, ce tableau est un chef d’œuvre, qui en prime véhicule une image de la femme infiniment plus saine que les canons décadents de notre époque.

     

  • A quoi joue l'occident ?

    BHL, TobroukC’est une question existentielle que je me pose ces temps-ci. Grâce à BHL, notre James Bond à nous, et à sa reine d’Angleterre, on a éradiqué l’infâme dictature de Libye. Kadhafi le tyran, qui était aussi un baiseur invétéré selon certains spécialistes en entrejambe, a été lynch…euh renversé par le peuple libre qui ne demandait que nos bomb…notre aide pour instaurer un calif… la démocratie pardon.

    Aujourd’hui, la Libye respire l’air délicieux de la liberté. Des mosquées soufies sont détruites à Tripoli et ailleurs, certes. On ne va pas en faire un plat. Les autorités disent vouloir instaurer la charia ? C’est leur culture après tout ma bonne dame !

    C’est pareil en Tunisie : ok, les élections ont donné une majorité à Enardada. Mais ce sont des islamistes mo-dé-rés ! Vu qu’islamiste veut dire « musulman extrémiste», faudra m’expliquer ce qu’est un « musulman extrémiste modéré »… D’autant plus que ces gens qui parlent démocratie et liberté dès qu’une caméra occidentale se ramène adoptent, étrangement, un tout autre discours en privé.

    Idem en Egypte : 25/100 pour les salafistes (des radicaux radicaux), 50/100 pour les frères musulmans (des radicaux modérés), des miettes pour les autres. C’est beau la démocratie.

    Petit bonus, le Mali, ou un Afghanistan africain est en train de se mettre en place, avec à la clé destruction de patrimoine historique (les mausolées de Tombouctou notamment), mutilations, oppression des femmes et tutti quanti. Tout ça grâce aux armes de Khadafounet, que nous lui avons données… euh vendues (oui oui, on lui a vendu 300 millions d’euros d’armes après lui avoir donné 300 millions d’euros pour la libération des infirmières bulgares. C’est une vente ça, non ?) , et dont les islamistes se sont emparées. On aurait voulu le faire exprès, on ne s’y serait pas pris autrement.

    Non content de ce merdier, qui a livré des régions entières aux islamistes (plus ou moins modérés), de la Tunisie à L’Egypte en passant par le Mali, on veut à présent faire la guerre à la Syrie. Déjà, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie lui fournissent des équipements militaires, le tout probablement supervisé par divers services occidentaux. Selon les plus éclairés, il faudrait clouer au sol l’aviation syrienne, pour détruire cet infâme régime et instaurer une bonne fois pour toute une démocratie à l’égyptienne. Brillant.

    L’Arabie saoudite a contribué activement à écraser la révolte au Bahreïn. Les rebelles, en l’occurrence, étaient de vilains chiites. Ça explique pourquoi ça m’émeut personne à l’ONU j’imagine, et pourquoi personne n’appelle à une action armée au Bahreïn.

    Reste une question : que gagne l’Europe, la France à jouer le jeu du Qatar et des USA, contre des dictatures locales, qui certes ne sont pas une panacée, mais ne sont une menace que pour leur peuple (ou à la limite, régionale), pour favoriser l’islamisme, qui est un danger international de premier ordre ?

    La guerre en Syrie est bien plus qu’une guerre civile, opposant un tyran et des rebelles. C’est une guerre entre sunnisme et chiisme. C’est une guerre indirecte entre différentes puissances. Et celles qui soutiennent les révolutions arabes sont loin d'être toutes des démocraties irréprochables. Il serait nécessaire que tout le monde le comprenne, pour se demander s’il est bien judicieux de prendre part à cela.

    Pour les plus curieux, je suggère aussi la lecture de l'article "Guerre sainte en terre d'islam" de pierre Conesa, qui change du bourrage de crane médiatique qu'on nous sert à longueur de journée:

    http://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2012/08/31/10001-20120831ARTFIG00505-guerre-sainte-en-terre-d-islam.php