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la source

  • La source (Ingres et Théodore de Banville)

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     Jeune, oh ! si jeune avec sa blancheur enfantine,
    Debout contre le roc, la Naïade argentine
    Rit. Elle est nue. Encore au bleu matin des jours,
    La céleste ignorance éclaire les contours
    De son corps où circule un sang fait d’ambroisie.
    Svelte et suave, tel près d’un fleuve d’Asie
    Naît un lys ; le désert voit tout ce corps lacté,
    Sans tache et déjà fier de sa virginité,
    Car sur le sein de neige à peine éclos se pose
    Le reflet indécis de l’églantine rose.
    Ô corps de vierge enfant ! temple idéal, dont rien
    Ne trouble en ses accords le rhythme aérien !
    L’atmosphère s’éclaire autour du jeune torse
    De la Naïade, et, comme un Dieu sous une écorce,
    Tandis que sa poitrine et son ventre poli
    Reflètent un rayon par la vie embelli,
    Une âme se trahit sous cette chair divine.
    La prunelle, où l’abîme étoilé se devine,
    Prend des lueurs de ciel et de myosotis ;
    Ses cheveux vaporeux que baisera Thétis
    Étonnent le zéphyr ailé par leur finesse ;
    Elle est rêve, candeur, innocence, jeunesse ;
    Sa bouche, fleur encor, laisse voir en s’ouvrant
    Des perles ; son oreille a l’éclat transparent
    Et les tendres couleurs des coquilles marines,
    Et la lumière teint de rose ses narines.
    La nature s’éprend de ce matin vermeil
    De la vie, aux clartés d’aurore. Le soleil
    Du printemps, qui de loin dans sa grotte l’admire,
    Met un éclair de nacre en son vague sourire.
    La vierge, la Naïade argentine est debout
    Contre le roc, pensive, amoureuse de tout,
    Et son bras droit soulève au-dessus de sa tête
    L’urne d’argile, chère au luth d’or du poète,
    Qui dans ses vers, où gronde un bruit mélodieux,
    Décrit fidèlement les attributs des Dieux.
    Son corps éthéréen se déroule avec grâce
    Courbé sur une hanche, et brille dans l’espace,
    Léger comme un oiseau qui va prendre son vol.
    Seul, un de ses pieds blancs pose en plein sur le sol.
    Le vase dont ses doigts ont dû pétrir l’ébauche
    S’appuie à son épaule, ô charme ! et sa main gauche
    Supporte le goulot, d’où tombe un flot d’argent.
    Les perles en fusée et le cristal changeant
    Ruissellent, et déjà leur écume s’efface
    Dans l’ombre du bassin luisant, dont la surface
    Répète dans son clair miroir de flots tremblants
    Les jambes de l’enfant naïve et ses pieds blancs.
    Oh ! parmi les lotos ouverts et les narcisses,
    Où vont tes pieds glacés, Source aux fraîches délices ?

     

    (…)