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peinture

  • Esclaves et captives dans l'art du XIXème

    Contrairement à ce qu’on veut généralement faire croire, l’art n’est pas forcément chiant à mourir. La preuve avec la sélection d’œuvres que vous a préparé votre serviteur sur le thème de  l’esclavage et de la captivité. Sujet par excellence qui permettait aux artistes du XIXème siècle de peindre des scènes délicieusement coquines, voire un peu sadiques.

    A tout seigneur tout honneur : Jean Léon Gérôme est le maître du genre et a réalisé de nombreux tableaux sur le sujet. Les deux premiers se déroulent à Rome :

    Gérome

    Gérome vente d'esclaves à Rome 1886On notera que les tableaux fourmillent de détails, que l’on ne remarque pas au premier coup d’œil : par exemple, dans la première œuvre, le secrétaire consciencieux, assez détaché de la scène ; dans la seconde, l’esclave en bas à gauche qui attend de se déshabiller.

    La première esclave semble, au passage, beaucoup plus intéresser que la seconde (amusant, car il s'agit probablement du même modèle). Le regard assez circonspect de plusieurs spectateurs semble le confirmer. Aurait-elle un défaut caché que le tableau ne montre pas ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    A voir aussi, ce petit chez d’œuvre, du même auteur, dans lequel une esclave se fait observer les dents comme une bête. Détail qui résume son abaissement, avec un érotisme évident (elle semble regarder l’homme qui l’examine dans les yeux). Il faut être complètement hermétique au sm pour ne pas trouver ça bandant.

    gérome esclave

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Toujours en Orient, un tableau de José Jimenez Aranda. Remarquez l’angle particulier, qui laisse deviner les acheteurs potentiels autour de la jeune femme, qui porte autour du cou, en grec « Rose de 18 ans, 800 pièces ». Elle regarde vers le sol, rougissant de honte. Adorable.

    Jose Jimenez Aranda slave

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Dans le même style, mais sans doute plus classique, Escrava Romana d’Oscar Pereira da Silva (les brésiliens ne sont pas bons qu’à  taper dans un ballon, ils savaient aussi peindre dans le temps). Le panneau indique que la demoiselle a 21 ans et qu’elle est vierge. Elle parait un brin farouche vu sa situation, et semble souffrir d’un problème à la main droite (probablement le résultat de ses nuits solitaires), mais gageons que ça n’arrêtera pas les amateurs. 

    escrava romana oscar pereira da silva

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Plus pudique, The assyrian captive d’Edwin Long :

     the assyrian captive edwin long

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Un classique à présent : Brennus et sa part de butin de Paul Jamin. Le sourire triomphal du chef gaulois vaut à lui seul le détour, et que dire de ces appétissantes romaines qui pousseraient n’importe quel mec, Lagerfeld mis à part, à grimper sur le Capitole ? Celle de gauche semble avoir fumé un truc (normal me direz-vous), sa copine veut se cacher le visage, une troisième s’en remet aux dieux, et ses deux voisines, probablement les plus rebelles du groupe, sont joliment ligotées. A consommer sans modération.

    Brennus et sa part de butin Paul Jamin

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    En parlant de ligotage, St George Hare, un peintre irlandais, semble être un spécialiste du genre. Pour commencer, « la cage dorée ». Les deux papillons suggèrent une histoire d’amour (madame a peut être un amant, et considère que le mariage est une cage dorée). La pauvre dort enchainée. Espérons que ça s’arrange.

     the gilded cage st George Hare

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Dans le même style, Victory of faith (on comprend mieux pourquoi les Romains persécutaient les chrétiens à présent). Hilarant exemple de prétexte pieux pour représenter des nanas lascives, enchainées et à poil, avec en prime un saphisme évident. Les martyrs doivent se retourner dans leur tombe…ou regretter de ne pas avoir connu ces petites bigotes.

     St George Hare Victory of Faith

     

     

     

     

     

     

     

    Le meilleur pour la fin (ou presque) : Before punishment de Ferencz Franz Eisenhut. Deux esclaves, les pieds entravés, attendent de gouter à une charmante tradition orientale, la falaka (des coups de bâton sur la plante des pieds). On ne sait pas trop ce que la rousse fait avec un coussin sous les reins, mais c’est assez cocasse. Quant à leur garde, il regarde ailleurs, l’imbécile.

    Ferencz Franz Eisenhut Before punishment

     

     

     

     

     

     

     

    Pour finir, et afin que la sculpture ne soit pas oubliée, l’esclave grecque d’Hiram Powers. Amérique oblige, elle a une croix dans la main, histoire de sanctifier un peu tout ça. Selon l’artiste, qui voulait surement nous faire fréquenter plus souvent les églises, elle serait un modèle de chasteté et de pureté chrétienne. Il est à craindre que cela ne dure pas.

    Hiram Powers, The greek slave

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    On aura remarqué que globalement, les artistes cités ici ne sont pas ou peu connus du grand public, et qu’on peut ouvrir des dizaines d’ouvrages d’histoire de l’art sans voir une de leurs toiles. C’est bien normal après tout. Où irait le monde si la culture était amusante ? On occulte donc soigneusement tout cela et l’on somme les gens de s’emmerder avec Picasso et ses copains.

    Quant aux toiles que je viens de présenter, il est de bon ton de rire de leurs anachronismes (comme si l’intérêt de ces toiles était dans l’exactitude historique), de moquer l’érotisme pour bourgeois qu’elles représentent (youporn est tellement plus démocratique), voire, en bon curé socialo-féministe, d’en dénoncer les perversions. On pourrait passer des heures à réfuter ce ramassis de conneries accumulé par les ennemis de l’académisme depuis la fin du XIXème. Mais, plus simplement, il suffit de voir avec quelle peinture on s’amuse et avec laquelle on s’ennuie.

  • La source (Ingres et Théodore de Banville)

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     Jeune, oh ! si jeune avec sa blancheur enfantine,
    Debout contre le roc, la Naïade argentine
    Rit. Elle est nue. Encore au bleu matin des jours,
    La céleste ignorance éclaire les contours
    De son corps où circule un sang fait d’ambroisie.
    Svelte et suave, tel près d’un fleuve d’Asie
    Naît un lys ; le désert voit tout ce corps lacté,
    Sans tache et déjà fier de sa virginité,
    Car sur le sein de neige à peine éclos se pose
    Le reflet indécis de l’églantine rose.
    Ô corps de vierge enfant ! temple idéal, dont rien
    Ne trouble en ses accords le rhythme aérien !
    L’atmosphère s’éclaire autour du jeune torse
    De la Naïade, et, comme un Dieu sous une écorce,
    Tandis que sa poitrine et son ventre poli
    Reflètent un rayon par la vie embelli,
    Une âme se trahit sous cette chair divine.
    La prunelle, où l’abîme étoilé se devine,
    Prend des lueurs de ciel et de myosotis ;
    Ses cheveux vaporeux que baisera Thétis
    Étonnent le zéphyr ailé par leur finesse ;
    Elle est rêve, candeur, innocence, jeunesse ;
    Sa bouche, fleur encor, laisse voir en s’ouvrant
    Des perles ; son oreille a l’éclat transparent
    Et les tendres couleurs des coquilles marines,
    Et la lumière teint de rose ses narines.
    La nature s’éprend de ce matin vermeil
    De la vie, aux clartés d’aurore. Le soleil
    Du printemps, qui de loin dans sa grotte l’admire,
    Met un éclair de nacre en son vague sourire.
    La vierge, la Naïade argentine est debout
    Contre le roc, pensive, amoureuse de tout,
    Et son bras droit soulève au-dessus de sa tête
    L’urne d’argile, chère au luth d’or du poète,
    Qui dans ses vers, où gronde un bruit mélodieux,
    Décrit fidèlement les attributs des Dieux.
    Son corps éthéréen se déroule avec grâce
    Courbé sur une hanche, et brille dans l’espace,
    Léger comme un oiseau qui va prendre son vol.
    Seul, un de ses pieds blancs pose en plein sur le sol.
    Le vase dont ses doigts ont dû pétrir l’ébauche
    S’appuie à son épaule, ô charme ! et sa main gauche
    Supporte le goulot, d’où tombe un flot d’argent.
    Les perles en fusée et le cristal changeant
    Ruissellent, et déjà leur écume s’efface
    Dans l’ombre du bassin luisant, dont la surface
    Répète dans son clair miroir de flots tremblants
    Les jambes de l’enfant naïve et ses pieds blancs.
    Oh ! parmi les lotos ouverts et les narcisses,
    Où vont tes pieds glacés, Source aux fraîches délices ?

     

    (…)

     

  • La baigneuse assise de Bouguereau (1884)

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    La baigneuse assise  de  Bouguereau est à mes yeux l’un des plus beaux nus de la peinture. Techniquement irréprochable (le reflet du pied dans l’eau, très réussi, est d’ailleurs d’une virtuosité ostentatoire), le tableau possède une harmonie des couleurs remarquable, le bleu vif du tissu se mêlant parfaitement avec la chevelure brune, la peau et le sable.

    Le regard de la femme est aussi particulièrement profond, humain. Cette femme semble préoccupée. A quoi pense-t-elle au juste ? On ne peut le savoir. Mais, quelle que soit la réflexion ou la rêverie qui l’occupe, on sent derrière ces yeux une pensée, une vraie personnalité.

    Qui est-elle ?  Elle n’est en tout cas vêtue que d’un beau tissu bleu, dont elle a couvert son dos. On ne voit pas à ses cotés de chaussures, ce qui laisse penser qu’elle va pieds nus. Est-ce une femme venue se baigner, ou une déité marine ?

    Ce tableau ne se contente pas d’être magnifique et mystérieux, il véhicule également un canon féminin dont notre époque devrait prendre de la graine. On est ici très loin de la maigreur cadavérique des mannequins, tout autant que de l’obésité hideuse des soit disant « rondes ». Cette fille ne fait ni 40 kilos, ni 100. Elle n’a ni un ventre plat Weight Watcher, ni un cul McDo. (deux conneries venues d’outre atlantique tiens). Elle respire la vie, la santé.

    Tout le génie du peintre consiste d’ailleurs à sublimer cette beauté après tout relativement ordinaire, à mettre en lumière sa noblesse, sa particularité, son éclat. On est à l’opposé de ces canons culpabilisants, où la beauté féminine est l’exception. Ici, elle se dévoile chez un modèle, une fille du peuple, gâtée sans doute, mais pas exceptionnelle.

    Cette baigneuse est aussi pleine de noblesse. Sa pose est pleine de distinction, sans sophistication. Elle est sensuelle sans être triviale. On est loin de la grossièreté des putains de Manet, avec leur tronche de cake, qui semblent dire « C’est deux cent balles, coco ! ». Loin aussi des mortes vivantes d’Avignon, ou du néant de l’art abstrait.

    En deux mots, ce tableau est un chef d’œuvre, qui en prime véhicule une image de la femme infiniment plus saine que les canons décadents de notre époque.