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littérature

  • Rimbaud, Verlaine et la décadence de la poésie

     

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    Tous ceux qui ne lisent jamais de poésie vous le diront : Rimbaud et Verlaine sont les poètes par excellence. Des auteurs intouchables, indépassables, qu’on ne peut qu’aduler. On a le droit de trouver Victor Hugo ennuyeux, avec ses milliers d’alexandrins et ses poèmes interminables. Mais les deux compères, interdit de les critiquer (je mets d’ailleurs au défi quiconque de me trouver un texte récent ébauchant ne serait-ce que des réserves à leur égard). Dans le milieu littéraire, bien entendu, mais aussi sur le net ou dans les cafés, d’habitude si prompts à brûler ce que le système adore.

    Il faut dire que les auteurs du fameux sonnet du trou du cul ont tout pour plaire. Pour commencer, ils étaient homosexuels, ce qui fait toujours bon effet et contribue à leur donner aujourd’hui encore une aura particulière ; ajoutons à cela un zeste de vagabondage et un épisode violent. Tous les ingrédients sont réunis pour créer des baudruches littéraires pseudo-dissidentes. Dit plus simplement : des « poètes maudits ». Le notable ump-Figaro bien sous tous rapports les lira presque en cachette (j’ai bien dit presque), comme on lit les Fleurs du mal au 21ème siècle, avec le frisson qu’offrent les transgressions qui n’en sont plus. Le socialiste militant revendiquera leur orientation sexuelle comme un étendard, pour rentabiliser politiquement ses lectures et se donner une image d’intello. L’ado de 15 ans s’imaginera rebelle et non-conformiste, en lisant ça après avoir surfé sur Twitter et Facebook, écouté de la pop anglaise et regardé un film américain.

    Bon d’accord, j’exagère un peu quand je dis que ces gens vont lire. En réalité ils liront deux ou trois poèmes, comme on lit de la prose, et ne retiendront in fine que les violons de l’automne qu’ils ont appris à l’école. On ne se refait pas.

    Mais venons-en aux faits. Il suffit d’ouvrir Verlaine au hasard pour tomber sur des textes d’une ahurissante médiocrité. Depuis on a certes fait bien pire (notamment parce que la poésie, sous l’influence d’auteurs comme Verlaine, a perdu tout repère), mais que dire de ces vers sans rythme, hachés, qui demandent au lecteur de compter laborieusement sur ses doigts pour reconnaître le mètre utilisé ? Que dire de ces vers abscons, illisibles, qui demandent plusieurs relectures pour être compris, qui expriment de façon si compliquée des choses simples ?

    Las ! je suis à l’Index et dans les dédicaces

    Me voici Paul V… pur et simple. Les audaces

    De mes amis, tant les éditeurs sont des saints,

    Doivent éliminer mon nom de leurs desseins,

    Extraordinaire et saponaire tonnerre

    D’une excommunication que je vénère

    Au point d’en faire des fautes de quantité !

    Vrai ! si je n’étais pas à ce point désisté

    Des choses, j’aimerais, surtout m’étant contraire,

    Cette pudeur du moins si rare de libraire.

     

    Comble pour un poème, je m’en aperçois en le recopiant, il est plus facile de mémoriser ces vers en ne les lisant pas comme des vers. Voici la trouvaille de Verlaine : des alexandrins qui, pour ne pas être trop durs à lire, doivent se lire comme de la prose. Belle invention, en vérité ! Comment s’étonner qu’avec un modèle pareil notre poésie soit devenue une sorte de prose qui retourne à la ligne ? Comment s’étonner que la plupart des français ne sachent plus déclamer des vers, quand on leur donne à voir des poèmes de ce genre ?

    Cette désarticulation du vers est d’autant plus condamnable qu’elle n’est pas le fait d’un manque de talent. Verlaine sait parfaitement versifier quand il le veut. Il compose délibérément des vers hachés, saccadés, illisibles, imprononçables, par paresse et par idéologie. Des « vers délibérément faux exprès » comme il disait en parlant de Rimbaud. On me dira que tout grand artiste fait parfois de mauvaises œuvres, ce qui est vrai. Mais la majorité des textes de Verlaine (les poèmes saturniens mis à part) est de cette eau là.

     

    Venons-en à Rimbaud, dont les premiers textes sont clairement parnassiens (un paradoxe, quand on sait que les poètes parnassiens sont aujourd’hui largement relégués au purgatoire), pour ensuite évoluer de façon plus originale, et aboutir avec les Illuminations, recueil de poème en prose dont l’influence sur la poésie contemporaine est immense. Hélas, il suffit d’ouvrir ces fameuses Illuminations pour se rendre compte que même si c’est du Rimbaud, c’est un parfait charabia :

    « Dimanche

    Les calculs de côté, l’inévitable descente du ciel, et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l’esprit.

    - Un cheval détale sur le turf suburbain, et le long des cultures et des boisements, percé par la peste carbonique. Une misérable femme de drame, quelque part dans le monde, soupire après des abandons improbables. Les desperadoes languissent après l’orage, l’ivresse et les blessures. De petits enfants étouffent des malédictions le long des rivières. –

    Reprenons l’étude au bruit de l’œuvre dévorante qui se rassemble et remonte dans les masses. »

     

    Les spécialistes déploient depuis longtemps des trésors d’inventivité pour défendre leur favori, à la manière de théologiens qui essayent de vous prouver l’inverse de l’évidence. Cette poésie n’est pas illisible, non, elle n’a simplement pas de sens. Elle ne se comprend pas, mais tant mieux, ça ouvre des horizons interprétatifs (comprenez : on peut y voir ce qu’on veut et délirer à plein régime). Et ainsi de suite. Comme si l’on pouvait prendre plaisir à lire des textes qui n’ont pas de sens. Pourquoi ne pas lire de droite à gauche tant qu’on y est ? ça peut amuser un moment, mais ça lasse très vite.

    Ce qui se cache derrière Verlaine et Rimbaud, c’est la destruction de la forme et du sens. La poésie contemporaine, qui se réclame d’eux à corps et à cri, en est la preuve vivante (si j’ose dire). Résultat : un galimatias généralisé, du surréalisme à nos jours. Des pseudo-vers qui ne sont plus qu’un retour à la ligne, des vers de mirliton sans rythme, qu’on doit compter sur ses doigts ou se résigner à lire comme de la prose. Une poésie reléguée au placard de la littérature, aussi bien par les éditeurs que par les lecteurs.

     

    Verlaine et son ami, sans être les seuls coupables, sont largement responsables de cette situation, puisqu’ils ont fait glisser la poésie sur une pente qu’elle n’a cessé de descendre depuis. Il est nécessaire de faire ce constat, que même les plus grands contempteurs de la poésie contemporaine se refusent à faire aujourd’hui.

  • Comment choisir ses lectures ?

     

    belle liseuse, Julian Mandel
    D’après les critères des médias, un bon lecteur est quelqu’un qui lit beaucoup. Ce qu’ils oublient souvent de dire, c’est que la qualité joue aussi. Enfin, évidemment, si Albin Michel et Cie veulent écouler les dernières merdes de la rentrée littéraire, faut pas le crier trop fort.

    Beaucoup de gros lecteurs ont une culture littéraire proche de zéro, parce que leur choix de livres est nul. Romans à l’eau de rose, heroic fantasy à la noix, polars, science fiction, auteurs bobos. Résultat : même en lisant deux heures par jour, ces malheureux ne dépassent guère le niveau intellectuel du plouc  « foot-bagnoles-ciné-musique ». Autant regarder Michel Drucker à la télé.

    D’où un constat net, tranchant, sans approximations, à encadrer en lettres d’or : il est primordial de bien choisir ses lectures. Pas besoin de lire 50 livres par an pour avoir une solide culture littéraire (même si ça aide). Voici donc quelques clés.

    -Fuyez comme la peste la merde commerciale ambiante : rentrée littéraire, littérature de genre (polar, science fiction, eau de rose, heroic fantasy…), etc. C’est moins divertissant qu’un vrai livre, souvent moins bien écrit, moins enrichissant, bref aucune raison de s’infliger ce genre de torture. Vous aimez en lire d’habitude ? ça se soigne. Des gens habitués au fast-food peuvent parfaitement réapprendre à manger avec quelques bons restaurants. Au pire, faites-vous une faveur de temps à autre, mais sans excès.

    -VARIEZ vos lectures. Variez les auteurs, les genres, les époques autant que possible. Vous pouvez bien sur avoir des centres d’intérêts majeurs, la poésie par exemple, ou la littérature de telle époque ou tel pays, mais il est important de ne pas s’y enfermer, au risque de ressembler à certains professeurs d’université, auxquels on parle chinois dès qu’on évoque quelque chose qui sort de leur domaine d’études.

    -Ne vous limitez pas au roman (ça recoupe le point précédent, mais j’insiste) : pour la plupart des gens aujourd’hui, littérature rime avec genre romanesque. Lâchez-vous, lisez de la poésie, du théâtre, de la philosophie, de l’histoire, des discours, des nouvelles, des récits de voyages. La littérature est d’une richesse inouïe, pourquoi donc ne pas en profiter ? Ce qui est génial, c’est qu’avec le temps passé à lire un seul roman de 300 pages, on peut lire 4 ou 5 petits livres. Ça passe mieux, et c’est bien plus intéressant (et plus varié…).

    -Lisez des classiques. « Il me semble que jusqu’à ce qu’un homme ait lu tous les livres anciens, il n’a aucune raison de leur préférer les nouveaux» disait Montesquieu. C’est évidemment un peu exagéré, mais globalement, il est absurde de connaître par cœur tel scribouillard contemporain et de n’avoir jamais lu Homère ou Victor Hugo. L’idéal est d’avoir une base antique (les auteurs grecs et latins en particulier), car ce sont évidemment les œuvres qui ont exercé la plus grande influence. Beaucoup de nos contemporains zappent tout cela allègrement, pour se limiter aux productions du 20ème siècle, qui n’est entre nous pas le plus brillant d’un point de vue littéraire.  Avec ce genre d’enfantillages, on finit con comme un panier troué. Connaître les classiques, en outre, vous permettra d’échanger plus facilement, puisque cela vous donnera des lectures communes avec d’autres personnes.

    Une fois ce socle établi, on peut lire des auteurs moins célèbres, élargir ses connaissances en piochant dans des domaines que l’on ne connait pas, ou approfondir les choses en lisant des études sur des œuvres que l’on aime, des biographies d’auteurs qu’on apprécie. Ainsi, vous vous forgerez un parcours de lecture unique.

     

  • Les chants de la pluie et du soleil d'Hugues Rebell

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    Lorsqu’on parle de poème en prose, on a l’habitude de se limiter à Baudelaire, pour ensuite passer directement aux scribouillards modernes. Comme, sauf exception, on ne peut guère compter sur les profs de collège pour ouvrir des horizons originaux, votre serviteur va s’en charger.

    Hugues Rebell (1867-1905) est souvent considéré comme un auteur érotique (encore une réduction, tiens), mais il a également signé un recueil de « poèmes en prose » particulièrement brillant (récemment réédité aux éditions La part commune). Servi par une écriture à la fois limpide et foisonnante, brutale et raffinée, ce livre regorge d’idées, de critiques. Une véritable mine d’or. Plaidoyer pour la vie, la pensée et l’art ; critique de tout ce qui, selon l’auteur, s’oppose à eux. Textes romantiques, politiques, philosophiques, narratifs. Un monument du genre, à coté duquel on passe trop souvent, et qui a de quoi « rendre voyants même les aveugles ». A redécouvrir d’urgence !

    Une de mes pages préférées:

    XIX

    Ô poètes, mes frères, je crains pour vous.

    Vous ressemblez à des voyageurs qui s'en vont portant des trésors à travers la forêt; ceux-ci contemplent les ciselures du coffret qu'ils ont à la main, tandis que leurs compagnons regardent les arbres ou le ciel : nul ne songe aux voleurs.

    J'en vois bien qui se croient plus éclairés et plus prudents et qui, allant au-devant des bandits, leur ont offert une partie de leurs richesses pour qu'ils les protègent ; mais ceux-là sont encore plus fous que les autres.

    Ô poètes, mes frères, je vous le dis : Vous serez tous égorgés.

    Parce que nul ne se défie, parce que nul ne sait prendre un couteau, que nul n'a la force de frapper ceux qui l'attaquent.

    Et pourtant cela est beau de défendre son rêve ; vous parliez hier des antinomies de la pensée et de l'action, vous ne saviez pas ce que vous deviez faire : Eh bien, la voilà votre tâche !

    Les Barbares sont là. Près de vous ; dans leur colère imbécile ils vont renouveler les grands crimes de l'Histoire : ils brûleront les bibliothèques, ils mutileront et briseront les statues.

    Ils frappent tous ceux de leurs ennemis qu'ils peuvent faire prisonniers, surtout les nobles, surtout les forts, surtout les beaux.

    Pour moi, dès maintenant j'ai mes armes prêtes : je saurai combattre et mourir pour la Beauté.

     

    Le lien du texte en ligne (je vous conseille la version pdf pour éviter les fautes de frappe)

    http://archive.org/details/chantsdelapluie00rebe

     

  • Les mathématiques: utiles au quotidien ?

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    L'un des arguments majeurs de ceux qui dénigrent les humanités consiste à vanter l'utilité des mathématiques, et à blamer l'inutilité, au quotidien, de la littérature, du latin, du grec, de la philosophie et j'en passe.

     

    C'est oublier que les programmes de mathématiques enseignés à partir de la cinquième, voire avant,ne servent strictement à rien au jour le jour, pour la plupart d'entre nous. Qui utilise les théorèmes de Pythagore et de Thalès ? Qui a besoin de la trigonométrie pour vivre ? Combien de français ont besoin de faire des équations à deux inconnues une fois leurs études finies ?

     

    Cette histoire d'utilité des mathématiques au quotidien est donc une tartufferie intégrale. Il est important de savoir faire les quatre opérations de base, de connaître les figures géométriques, de savoir ses tables de multiplication. Le reste est largement aussi "superflu", pour le citoyen lambda, que n'importe quelle connaissance littéraire, historique ou philosophique.

     

    J'irais plus loin. Alors que les humanités ne cessent de décliner , grâce aux gouvernements successifs de gauche comme de droite (qui y voient respectivement une culture bourgeoise et élitiste facteur d'inégalité, et des disciplines inutile qui ne servent à rien, comme disait notre auguste ami Sarko, "pour ouvrir une banque et gagner du pognon"), et que les français sont de plus en plus privés de repères culturels et identitaires, est-on bien sur qu'il soit plus utile de calculer une intégrale que de connaître l'histoire romaine ou la littérature française ?